Antoine Bello, le spéculateur de la littérature






28 Avril 2014

Arrière petit-fils de Marcel Aymé, Antoine Bello a toujours aimé s’amuser avec la fiction. Le 5 mai prochain, sort chez Gallimard, son sixième roman, Roman Américain, un hommage personnel au roman Américain, mêlé d’une réflexion sur la finance.


Remarqué par la critique pour Éloge de la pièce manquante, paru en 1998 chez Gallimard, roman à énigmes, qui se passait dans le monde très fermé des joueurs de puzzle de compétition, Les Falsificateurs, publié en 2007 chez Gallimard, a continué d’imposer Antoine Bello, écrivain et entrepreneur, vivant désormais à New-York, comme un auteur qui compte.
 
Aujourd’hui, dans ce sixième opus, Antoine Bello, né en 1970, s’attaque au life settlement, activité réelle et lucrative en ces temps de crise : le détenteur d’une assurance-vie la cède à un tiers. C’est une sorte de viager de l’assurance-vie : l’acquéreur touchant le pactole, à la mort du souscripteur. Si tout cela manque de poésie, c’est aussi une certaine réalité économique à laquelle Antoine Bello a voulu s’attaquer.
 
Il met ainsi en scène, Vlad Eisinger, un journaliste économique, qui enquête en Floride, sur ce marché très spécial du life settlement. Au début, cette pratique financière touchait principalement, les malades atteints du sida,  certains de disparaître rapidement. Mais la crise est passée par là, et le life settlement s’est étendu aux États-Unis, à d'autres catégories de personnes, jusqu’à devenir un marché porteur.
 
Dans cette fresque économique, troublante et intrigante, pour mener à bien son enquête, Vlad Eisinger s’installe dans un complexe de luxe en Floride, où vivent des retraités ayant cédé leurs assurances-vie. Les «repreneurs » vivent tout près, et ont fait fortune grâce à ce marché viager d’un genre nouveau. Au centre du roman, se situe donc, la question compliquée, de la spéculation sur la mort de son voisin. Vlad Eisinger écrit en live sur les retombées de ce marché, et ce qu'elles véhiculent comme sentiments contradictoires, chez les uns et les autres.
 
Dans la résidence de luxe, vit le second narrateur du roman, Dan G. Siver, un écrivain presque raté, amoureux de la littérature, qui en même temps que Vlad enquête, va partager avec lui son amour pour les livres.  Dans cette fable comique et pas qu’économique, elle est aussi métaphysique, la littérature va alors occuper une place centrale, comme celle de la finance.

Avec le talent qu’on lui connaît, Antoine Bello dresse un portrait sans concession de l’Amérique d’aujourd’hui, prête à bien des compromissions et des sacrifices. Cette Amérique est décrite à travers l’angle d’un phénomène économique plus que symbolique, dérangeant.
 
Antoine Bello, Roman Américain, 288 pages, Gallimard, 5 mai 2014.