L’Azerbaïdjan, un « middle power » ?
Bakou entend jouer le rôle de trait d'union entre les civilisations
Lorsque l’on observe les relations internationales, il est commun de remarquer le rôle diplomatique majeur que peuvent jouer les pays que l’on appelle les « puissances moyennes » ou « middle powers. » En principe, ces pays se caractérisent par le fait qu’ils ne possèdent pas une grande puissance militaire ou économique qui leur procurerait la tentation d’entretenir des rapports de force avec leurs voisins. Cette posture leur donne également une image rassurante et leur permet d’inspirer confiance et d’agir alors en médiateur entre différentes entités en conflits. En anglais, l’expression « middle power » dit bien cette double acception du mot puisqu’il s’agit d’être un pays « du milieu », un pays intermédiaire. D’après Marijke Breuning, professeur de sciences politiques à l’université de North Texas et auteur de Foreign Policy Analysis: A Comparative Introduction, ces pays ont pour rôle de « plaider pour l'adoption de certaines normes internationales et travailler diplomatiquement pour persuader les représentants d'autres États d'adopter également ces normes. » Par bien des aspects, l’Azerbaïdjan semble bien être une puissance moyenne, en particulier en ce qui concerne le dialogue interculturel et interreligieux.
Son multiculturalisme semble bien lui conférer une véritable légitimité pour promouvoir la cohabitation de populations aux origines ethniques, culturelles et religieuses variées. Le Centre International du Multiculturalisme de Bakou se donne précisément ce rôle « d’assurer la préservation de la tolérance et de la diversité culturelle, religieuse et linguistique conformément aux valeurs de l'Azerbaïdjan, ainsi que de représenter l'Azerbaïdjan comme le centre du multiculturalisme dans le monde, d'explorer et de promouvoir les modèles multiculturels existants. » Conscient de sa particularité multiculturelle, l’Azerbaïdjan veut à la fois la préserver pour en faire un moyen de développement dans le pays ; et également être reconnu comme un lieu témoin propice à des rencontres diplomatiques qui favorisent le multilatéralisme et le dialogue interreligieux.
Son multiculturalisme semble bien lui conférer une véritable légitimité pour promouvoir la cohabitation de populations aux origines ethniques, culturelles et religieuses variées. Le Centre International du Multiculturalisme de Bakou se donne précisément ce rôle « d’assurer la préservation de la tolérance et de la diversité culturelle, religieuse et linguistique conformément aux valeurs de l'Azerbaïdjan, ainsi que de représenter l'Azerbaïdjan comme le centre du multiculturalisme dans le monde, d'explorer et de promouvoir les modèles multiculturels existants. » Conscient de sa particularité multiculturelle, l’Azerbaïdjan veut à la fois la préserver pour en faire un moyen de développement dans le pays ; et également être reconnu comme un lieu témoin propice à des rencontres diplomatiques qui favorisent le multilatéralisme et le dialogue interreligieux.
Lieu de dialogues interreligieux
En 2016, le pape François, en visite à Bakou, reconnaissait ce rôle particulier de l’Azerbaïdjan en rappelant son histoire faite de rencontres entre des populations différentes. Dans un discours adressé aux autorités civiles, le pape affirmait : « Je suis venu dans ce pays, en portant dans le cœur l’admiration pour la complexité et la richesse de sa culture, fruit de l’apport de nombreux peuples qui, tout au long de l’histoire, ont habité ces terres […] » Pour le pape, cette histoire peut devenir un signe d’espérance et un exemple pour les pays du monde entier qui aspire à l’unité dans un monde de plus en plus mélangé et métissé. « La construction d’une harmonie entre les différences a une signification particulière en ce moment, car il montre qu’il est possible de témoigner de ses propres idées et de sa propre conception de la vie sans empiéter sur les droits de ceux qui sont porteurs d’autres conceptions et d’autres visions » continuait le pontife romain.
Quelques années plus tard et comme pour confirmer ce constat et ce vœu du pape, Bakou est l’hôte du deuxième sommet mondial des chefs religieux les 14 et 15 novembre 2019. Réunissant plus de 25 religions comme le bouddhisme, l’islam, le judaïsme et le christianisme, ce sommet a vu des représentants religieux s’associer à des personnalités politiques, scientifiques etc. pour lutter contre les violences et discriminations accomplies au nom des religions. En tant que pays culturellement musulman et politiquement laïc, l’Azerbaïdjan a joué là un rôle essentiel de dialogue entre les religions et pour la paix. En cherchant à préserver les libertés individuelles et le droit des minorités à vivre selon leurs croyances en son propre territoire, l’Azerbaïdjan montre qu’il est possible de considérer les différences religieuses autrement que comme source de conflits perpétuels.
Cette ouverture à l’autre s’illustre également par la diplomatie culturelle que met en pratique la république caucasienne, notamment par le mécénat qu’elle exerce au profit de trésors chrétiens menacés. On peut citer à cet égard la restauration des catacombes de Saints Marcellino et Pietro, et de multiples restaurations au Vatican, essentiellement par le truchement de la fondation Heydar Aliyev. Ces efforts ont d’ailleurs valu à la première dame du pays, également première vice-présidente, Mehriban Aliyeva, d’être décorée de la Grand-Croix de l’Ordre de Pie IX, le 22 février 2020.
Quelques années plus tard et comme pour confirmer ce constat et ce vœu du pape, Bakou est l’hôte du deuxième sommet mondial des chefs religieux les 14 et 15 novembre 2019. Réunissant plus de 25 religions comme le bouddhisme, l’islam, le judaïsme et le christianisme, ce sommet a vu des représentants religieux s’associer à des personnalités politiques, scientifiques etc. pour lutter contre les violences et discriminations accomplies au nom des religions. En tant que pays culturellement musulman et politiquement laïc, l’Azerbaïdjan a joué là un rôle essentiel de dialogue entre les religions et pour la paix. En cherchant à préserver les libertés individuelles et le droit des minorités à vivre selon leurs croyances en son propre territoire, l’Azerbaïdjan montre qu’il est possible de considérer les différences religieuses autrement que comme source de conflits perpétuels.
Cette ouverture à l’autre s’illustre également par la diplomatie culturelle que met en pratique la république caucasienne, notamment par le mécénat qu’elle exerce au profit de trésors chrétiens menacés. On peut citer à cet égard la restauration des catacombes de Saints Marcellino et Pietro, et de multiples restaurations au Vatican, essentiellement par le truchement de la fondation Heydar Aliyev. Ces efforts ont d’ailleurs valu à la première dame du pays, également première vice-présidente, Mehriban Aliyeva, d’être décorée de la Grand-Croix de l’Ordre de Pie IX, le 22 février 2020.
Un avocat de la paix et un allié précieux d’Israël
Profitant d’un siège temporaire au Conseil de Sécurité des Nations Unies, l’Azerbaïdjan a également conduit en 2013 un débat sur le « Renforcement du partenariat entre les Nations unies et l'Organisation de coopération islamique. » Parmi les sujets abordés, celui de la situation entre Israël et la Palestine. Concernant ce conflit, le parti pris de l’Azerbaïdjan, pays dont la population est à plus de 90% musulmane, correspond à celui des Nations Unies et de la plupart des pays occidentaux. Elmar Mammadyarov, ministre des Affaires Étrangères, déclarait à cette occasion : « L'Azerbaïdjan salue les efforts visant à la reprise des négociations directes entre Israël et la Palestine. Il est impératif que les deux protagonistes fassent preuve de responsabilité pour soutenir les efforts internationaux en vue de la réalisation de la solution à deux États et évitent les actions qui compromettraient cet objectif, dans le but ultime de rétablir et de renforcer la paix, la sécurité et le développement durable dans l'ensemble de la région. »
Il est à noter que le rapprochement entre l’Azerbaïdjan et Israël remonte aux années 1990, alors que Bakou était en mal de soutien politique et militaire face au conflit qui l’oppose à l’Arménie pour les territoires du Haut Karabakh. En 1991 Israël est un des premiers pays à reconnaître l’indépendance de l’Azerbaïdjan et une coopération militaire se met alors en place entre les deux pays. L’Azerbaïdjan, pourtant pris entre la Turquie et l’Iran, reste à ce jour un des quelques pays à majorité musulmane à entretenir des relations de partenariat avec Israël. L’Orient le Jour, média libanais, va même jusqu’à affirmer qu’« avec Bakou, Tel-Aviv nourrit certainement sa relation la plus solide avec un pays musulman. » L’Azerbaïdjan multiplie les rencontres avec Israël pour favoriser la paix dans la région et pour développer encore davantage leur coopération économique.
Il est à noter que le rapprochement entre l’Azerbaïdjan et Israël remonte aux années 1990, alors que Bakou était en mal de soutien politique et militaire face au conflit qui l’oppose à l’Arménie pour les territoires du Haut Karabakh. En 1991 Israël est un des premiers pays à reconnaître l’indépendance de l’Azerbaïdjan et une coopération militaire se met alors en place entre les deux pays. L’Azerbaïdjan, pourtant pris entre la Turquie et l’Iran, reste à ce jour un des quelques pays à majorité musulmane à entretenir des relations de partenariat avec Israël. L’Orient le Jour, média libanais, va même jusqu’à affirmer qu’« avec Bakou, Tel-Aviv nourrit certainement sa relation la plus solide avec un pays musulman. » L’Azerbaïdjan multiplie les rencontres avec Israël pour favoriser la paix dans la région et pour développer encore davantage leur coopération économique.
Guerre et paix, une situation paradoxale
L’Azerbaïdjan est surtout connu pour le conflit qui l’oppose à l’Arménie depuis leurs indépendances respectives, qui vient de connaitre un nouvel épisode sanglant. D’un côté, les séparatistes arméniens du Haut Karabakh justifient leur position par le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et, de l’autre, l’Azerbaïdjan revendique sa légitimité à préserver son unité nationale et territoriale, le droit international de son côté. Cette légitimité est d’ailleurs confortée par de multiples résolutions internationales, de l’ONU à l’UE en passant par l’OSCE, allant toutes dans le même sens, celui d’un retrait des forces arméniennes occupantes. Cette situation de conflit gelé pourrait écorner l’image de l’Azerbaïdjan facteur de paix, mais d’une part, comme on vient de le rappeler, ce pays est ici dans son « bon droit » international, et d’autre part, une telle situation n’empêche pas, fondamentalement, de manifester un attachement global au règlement pacifique des conflits.
L’Azerbaïdjan, discrètement et sans figurer encore dans la liste des « middle powers » reconnus comme tel par la communauté internationale, œuvre activement pour l’entente entre des entités politiques et religieuses réputées irréconciliables. Malgré une situation politique intérieure compliquée qui donne parfois lieu à des conflits violents autour de la question de la souveraineté du Haut Karabakh, sa personnalité et sa situation tout autant géographique qu’idéologique, font de ce petit pays du Caucase trop méconnu, un précieux facteur de paix et d’entente.
L’Azerbaïdjan, discrètement et sans figurer encore dans la liste des « middle powers » reconnus comme tel par la communauté internationale, œuvre activement pour l’entente entre des entités politiques et religieuses réputées irréconciliables. Malgré une situation politique intérieure compliquée qui donne parfois lieu à des conflits violents autour de la question de la souveraineté du Haut Karabakh, sa personnalité et sa situation tout autant géographique qu’idéologique, font de ce petit pays du Caucase trop méconnu, un précieux facteur de paix et d’entente.