Après de longs tâtonnements de 1890 à 1930 environ, les partis politiques se sont imposés comme l’instrument indispensable pour reproduire la volonté préexistante des citoyens au Parlement. La structure et le rôle ont fait l’objet de développements innombrables, suivons la ligne décrite par Ostrogorski.
D’abord qu’est-ce qu’un parti ?
« Il ne peut y avoir de parti politique sans dépossession pour l’individu de sa propre volonté : que l’association universelle où l’homme entrerait avec toute sa personnalité économique pour réaliser les fins de son existence matérielle soit possible ou non, je n’ai pas à le discuter ici ; mais dans la vie politique, fondée sur la liberté, une association analogue ne saurait fonctionner utilement. Une association pour l’action politique, qui est une combinaison d’efforts visant un but non matériel, suppose toujours la coopération volontaire et consciente de ses membres. Si insignifiante que soit la part personnelle d’un membre dans l’œuvre de l’association, si rapprochée qu’elle soit d’une simple adhésion, il faut que cette adhésion soit une adhésion continue qui sans cesse se renouvelle dans son esprit, et non pas un capital pour ainsi dire versé à fonds perdu. Aussi importe-t-il que, tout en acceptant la direction imprimée à l’ensemble, chaque membre de l’association soit toujours à même d’en envisager le but, et de distinguer les limites des obligations que ce but lui impose. » Une telle conception du parti ne pouvait que conduire au désastre. Et on ne peut mieux faire que de présenter la vision des partis politiques d’Ostrogorski en 1912 : “Les vieux partis se désagrègent avec une rapidité de jour en jour croissante, ils ne peuvent plus retenir les éléments disparates réunis sous l’enseigne commune […] les majorités compactes et stables ne sont qu’un souvenir historique. L’émiettement des partis est la règle ; les luttes intérieures, les schismes les habiletés et les manœuvres destinées à les voiler sont le fond même de leur existence. Partout, quoique à des degrés différents, les partis formés sur la base traditionnelle ont perdu la faculté d’accomplir la double fonction qui était leur raison d’être : unifier les nuances diverses de l’opinion, en faire un corps avec une âme, et assurer, en se faisant contrepoids les uns aux autres, le jeu régulier des forces politiques. On assiste de nos jours au fiasco complet de la représentativité partisane. La question fondamentale du rôle des partis politiques comme facteur d’homogénéisation sociale ou comme reflet de courants d’opinion préexistants demeure présente plus que jamais.” Didier Mineur considère à juste titre que le problème essentiel est « cette donnée fondamentale de la politique moderne qui est l’indéfinition des gens dans une société d’individus et au caractère dès lors irreprésentable, sur le mode de l’identité à soi de cette société. »
Le reproche très souvent fait aux gouvernements de ne pas fixer de cap se retrouve pour les partis politiques. Cette finitude ne doit pas se trouver dans une idéologie sclérosée, mais dans l’invention et la pédagogie. Or, ce que l’on constate, c’est une désaffection grandissante des électeurs pour les partis politiques. Assez bizarrement le fonctionnement des partis a pris le pas sur les programmes. Cette lutte sans merci se traduit par autant de fractions, de tendances, de courants au sein d’un parti qui est censé agréger les opinions, homogénéiser l’éparpillement des opinions du peuple. Il n’est pas étonnant que les sondages révèlent qu’aucun parti ne dépasse une cote de popularité de 21 %, que 62 % des Français jugent que les partis politiques ne sont pas utiles et 75 % que les partis sont incapables de réformer.
Dès lors que faire, que faire pour ressouder les opinions et obtenir des consensus ?
Le recours à l’intérêt général n’est-il pas une voie possible ?
Le reproche très souvent fait aux gouvernements de ne pas fixer de cap se retrouve pour les partis politiques. Cette finitude ne doit pas se trouver dans une idéologie sclérosée, mais dans l’invention et la pédagogie. Or, ce que l’on constate, c’est une désaffection grandissante des électeurs pour les partis politiques. Assez bizarrement le fonctionnement des partis a pris le pas sur les programmes. Cette lutte sans merci se traduit par autant de fractions, de tendances, de courants au sein d’un parti qui est censé agréger les opinions, homogénéiser l’éparpillement des opinions du peuple. Il n’est pas étonnant que les sondages révèlent qu’aucun parti ne dépasse une cote de popularité de 21 %, que 62 % des Français jugent que les partis politiques ne sont pas utiles et 75 % que les partis sont incapables de réformer.
Dès lors que faire, que faire pour ressouder les opinions et obtenir des consensus ?
Le recours à l’intérêt général n’est-il pas une voie possible ?
Des primaires pour quoi faire ?
Qu’ils soient de droite ou de gauche, les partis politiques ne traduisent pas la moindre médiation entre les citoyens et leurs représentants, les partis politiques ne constituent que des tremplins pour les politiques les plus avides d’exercer le pouvoir.
C’est le cas des primaires. Tout comme d’autres auteurs, Alain Etchegoyen [1] y voyait une comédie, un moyen de communication et n’hésitait pas à parler de la « comédie des primaires », ajoutant même que les citoyens français n’y étaient pas préparés. En fait, les primaires traduisent un mal beaucoup plus grave.
Si un parti sert de médiation entre les représentants et les représentés, les primaires reflètent bien le manque de finalité d’un parti et son incapacité à désigner un programme et un homme. Le premier problème est celui de l’organisation des primaires. C’est évidemment aux partis qu’incombe ce travail. Mais quel crédit accorder aux responsables des partis politiques de droite comme de gauche qui se sont plutôt spécialisés jusqu’ici en organisateurs de la fraude !
À quel moment convient-il d’exclure les organisateurs s’ils souhaitent se présenter eux-mêmes aux primaires ? Quelle sera la dimension du corps électoral ? Si les primaires sont dites ouvertes, on peut imaginer que certains électeurs ne viennent pas pour choisir, mais pour éliminer un candidat.
Le choix des programmes est encore plus délicat. En effet, s’il n’y a qu’un seul programme du parti – ce qui semble logique –, le choix ne porterait alors que sur l’image des candidats. Certes l’image est capitale, mais des primaires pour choisir une image, cela paraît un peu dérisoire !
Si les programmes sont différents, ils auront évidemment tous pour thème « l’unité dans la différence ». Certains choisiront un recours à la démagogie sachant que c’est un élément primordial dans la conquête du pouvoir. Le risque est aussi de choisir le plus neutre, le plus banal, bref le plus médiocre.
Les primaires démontrent à l’évidence l’échec des partis politiques dans la démocratie représentative. Présentées comme très démocratiques, elles ne sont qu’un palliatif au mauvais fonctionnement des partis.
C’est le cas des primaires. Tout comme d’autres auteurs, Alain Etchegoyen [1] y voyait une comédie, un moyen de communication et n’hésitait pas à parler de la « comédie des primaires », ajoutant même que les citoyens français n’y étaient pas préparés. En fait, les primaires traduisent un mal beaucoup plus grave.
Si un parti sert de médiation entre les représentants et les représentés, les primaires reflètent bien le manque de finalité d’un parti et son incapacité à désigner un programme et un homme. Le premier problème est celui de l’organisation des primaires. C’est évidemment aux partis qu’incombe ce travail. Mais quel crédit accorder aux responsables des partis politiques de droite comme de gauche qui se sont plutôt spécialisés jusqu’ici en organisateurs de la fraude !
À quel moment convient-il d’exclure les organisateurs s’ils souhaitent se présenter eux-mêmes aux primaires ? Quelle sera la dimension du corps électoral ? Si les primaires sont dites ouvertes, on peut imaginer que certains électeurs ne viennent pas pour choisir, mais pour éliminer un candidat.
Le choix des programmes est encore plus délicat. En effet, s’il n’y a qu’un seul programme du parti – ce qui semble logique –, le choix ne porterait alors que sur l’image des candidats. Certes l’image est capitale, mais des primaires pour choisir une image, cela paraît un peu dérisoire !
Si les programmes sont différents, ils auront évidemment tous pour thème « l’unité dans la différence ». Certains choisiront un recours à la démagogie sachant que c’est un élément primordial dans la conquête du pouvoir. Le risque est aussi de choisir le plus neutre, le plus banal, bref le plus médiocre.
Les primaires démontrent à l’évidence l’échec des partis politiques dans la démocratie représentative. Présentées comme très démocratiques, elles ne sont qu’un palliatif au mauvais fonctionnement des partis.
[1] Alain Etchegoyen, La démocratie malade du mensonge, François Bourin Éditeur, 1993