Vous êtes auteur d’un ouvrage sur les services secrets Turcs qui parait chez VA Editions. Pourquoi décider de parler d’un tel sujet maintenant ?
La Turquie, ces dix dernières années, et plus précisément après le printemps arabe, a adopté une stratégie expansionniste néo-ottomane. On savait déjà que le parti au pouvoir AKP et Recep Tayyip Erdogan puisaient leurs origines dans l’Islam politique, proche des Frères Musulmans. On savait aussi qu'Ahmet Davutoglu (professeur en géopolitique et ancien ministre des Affaires Etrangères du gouvernement Erdogan) avait écrit un livre sur la profondeur stratégique de la Turquie dans les années 2000.
Mais, finalement, c’est le printemps arabe qui a offert aux nostalgiques de l’Empire ottoman l’occasion unique de mettre en œuvre leurs idées pour la Turquie du XXIe siècle. L’outil tactique pour une telle expansion de l’influence turque au Moyen Orient, en Afrique du Nord, dans les Balkans, dans le Caucase et en Asie Centrale est le service du renseignement turc, le MIT.
Mais, finalement, c’est le printemps arabe qui a offert aux nostalgiques de l’Empire ottoman l’occasion unique de mettre en œuvre leurs idées pour la Turquie du XXIe siècle. L’outil tactique pour une telle expansion de l’influence turque au Moyen Orient, en Afrique du Nord, dans les Balkans, dans le Caucase et en Asie Centrale est le service du renseignement turc, le MIT.
Comment le MIT est-il structuré ? Peut-on parler d’un modus operandi ?
Le MIT a traversé une période de changements structurels et de mentalités sous la direction d'Hakan Fidan (son directeur actuel). En lisant ce livre, on apprend beaucoup sur les aspects techniques de la restructuration mais aussi sur des opérations en cours du MIT.
Le MIT possède un gros budget, son personnel est de plus en plus fourni il est même supérieur en nombre à la DGSE. Il gère des milliers d'informateurs conscients ou inconscients et utilise des drones ISR ainsi que de combat. Il contrôle également les stations d'écoute (Sigint) de l’armée turque. On peut affirmer que le MIT fait partie des meilleurs services de renseignement en termes de moyens humains, techniques et surtout financiers.
Le MIT possède un gros budget, son personnel est de plus en plus fourni il est même supérieur en nombre à la DGSE. Il gère des milliers d'informateurs conscients ou inconscients et utilise des drones ISR ainsi que de combat. Il contrôle également les stations d'écoute (Sigint) de l’armée turque. On peut affirmer que le MIT fait partie des meilleurs services de renseignement en termes de moyens humains, techniques et surtout financiers.
Le Président Macron a déclaré que la loi turque ne pouvait être appliquée en France. Voyez-vous, derrière cette déclaration, la confirmation d’une ingérence du MIT sur le sol France ?
Le MIT comme un service du renseignement qui met en place des actions paramilitaires et mène une véritable guerre de l'information. Il faut présenter le vaste réseau des agents du renseignement sans omettre l'influence du MIT en Europe. L’Allemagne et la France (pays fondateurs de l’UE) font partie des cibles préférentielles du MIT. Strasbourg est d’ailleurs un centre de coordination des activités des services secrets turcs.
Les relations franco-turques traversent une période très difficile. Les dossiers libyens, syriens, arméniens, chypriotes, ou encore les frères musulmans et Charlie Hebdo font partie des sujets de discorde entre Macron et Erdogan.
Concernant le rôle du MIT dans tout cela, comme vous le savez, il n’y a ni amis, ni ennemis, il n’y a que des intérêts. La DGSE et le MIT se connaissent très bien. Ismail Haki Moussa (l’actuel ambassadeur turc à Paris) était entre 2012-2016 le numéro 2 du MIT. Je soupçonne donc que l’on se parle mais que l’on s’espionne simultanément.
Les relations franco-turques traversent une période très difficile. Les dossiers libyens, syriens, arméniens, chypriotes, ou encore les frères musulmans et Charlie Hebdo font partie des sujets de discorde entre Macron et Erdogan.
Concernant le rôle du MIT dans tout cela, comme vous le savez, il n’y a ni amis, ni ennemis, il n’y a que des intérêts. La DGSE et le MIT se connaissent très bien. Ismail Haki Moussa (l’actuel ambassadeur turc à Paris) était entre 2012-2016 le numéro 2 du MIT. Je soupçonne donc que l’on se parle mais que l’on s’espionne simultanément.
Selon vous, la rivalité historique entre le MIT et les services de maintien de l’ordre turcs dure-t-elle toujours ?
C’était le cas pendant presque 35 ans (entre 1965-2000). Les partis au pouvoir contrôlaient les services de renseignement de la police nationale et l’armée ultra-kemaliste contrôlait le MIT. A partir des années 2000, le MIT est devenu un service de renseignement 100% civil. Sous la direction d’Hakan Fidan, le MIT se renforce encore plus en tant que colonne vertébrale de la communauté du renseignement turque. Après la tentative de Coup d’Etat en 2016, la police, et plus précisément les directions du renseignement et du contre terrorisme, se sont complètement «débarrassés» des éléments gulenistes. On peut aujourd’hui parler d’une «paix définitive» entre le MIT, la Police et la Gendarmerie turques sous le contrôle absolu du Sultan, Erdogan.
Ces dernières années, le rôle du MIT pendant la guerre en Syrie a été plusieurs fois évoqué. De plus, les opérations de ces services en Europe contre des membres de la communauté Gulen et des sympathisants kurdes ont souvent été liés. Que pensez-vous de ces allégations ?
Durant mes recherches pour la rédaction de mon ouvrage, je me suis penché sur les opérations du MIT ces dix dernières années. Le service turc est responsable de profilages, de fichages et de dénonciations. Il existe également des campagnes de surveillance, voire de menaces, de harcèlement et même de tentatives d’assassinat ou d’exécution en plein Paris des cadres du PKK. Toutes ces actions font partie des activités du MIT sous la direction de Hakan Fidan.
Il faut savoir qu’en Turquie, la situation n’est pas différente. Il s’agit de la raison pour laquelle le pays se trouve à la première place sur la liste des plaintes déposées à la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Les services du contre-espionnage en Europe essaient, malgré tout, de contrer les activités du MIT. Cependant, par manque de moyens (ou bien de volonté politique européenne), les agents du renseignement turc se sentent libres d’opérer pour le moment.
Il faut savoir qu’en Turquie, la situation n’est pas différente. Il s’agit de la raison pour laquelle le pays se trouve à la première place sur la liste des plaintes déposées à la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Les services du contre-espionnage en Europe essaient, malgré tout, de contrer les activités du MIT. Cependant, par manque de moyens (ou bien de volonté politique européenne), les agents du renseignement turc se sentent libres d’opérer pour le moment.