Marignane 1994 : Bernard Meunier dévoile les coulisses du détournement de l’Airbus Alger-Paris et les leçons tirées pour le GIGN






7 Juin 2024

Découvrez les coulisses du détournement de l'Airbus Alger-Paris de 1994 avec Bernard Meunier, ancien négociateur principal du GIGN. Dans son ouvrage "Négociations extrêmes", il révèle les enjeux cruciaux et les défis intenses de cette crise. Comment le GIGN a-t-il réussi à libérer les otages face à des terroristes prêts à tout ? Plongez dans ce récit captivant de tactiques et de résilience.


Quel a été votre rôle en tant que négociateur principal du GIGN lors de cette crise du détournement de l’Airbus reliant Alger à Paris en 1994 ?

Mon rôle, comme celui de tout négociateur engagé sur une crise de ce type, est d’entrer en contact avec le ou les protagonistes, d’obtenir la libération des otages et la reddition du ou des auteurs. Mais tout cela est très schématique, car les crises sur lesquelles le GIGN est engagé, sont l’œuvre, dans le cadre de POM (prise d’otages de masse), d’idéologues politiques ou religieux programmés pour mourir. En effet, leur acte terroriste est avant tout un acte de communication, il faut donc qu’ils puissent prendre un envol planétaire en termes de retombées médiatiques. 

Quelles étaient les principales demandes des terroristes et comment avez-vous géré la négociation sous une telle pression ?

Leurs demandes étaient au nombre de « UNE ». Une seule : trente tonnes de carburant et les laisser décoller de l’aéroport Marseille – Marignane, rebaptisé : Marseille Côte – d’Azur.
Lorsque nous apprenons que cinq tonnes suffisent pour se rendre à Paris, d’une part, et au vu de la teneur du dernier ultimatum du chef du commando du GIA (Groupe Islamiste Armé), nous comprenons qu’ils ne souhaitent pas se rendre sur la capitale pour libérer des otages, mais ont d’ores et déjà planifié un autre plan mortifère

L’assaut final à Marseille Marignane a été considéré comme un succès. Quels facteurs ont contribué à cette issue positive ?

La mise en place d’une stratégie gagnante par une unité dont l’agilité collective est totale.
Le GIGN est tout d’abord un groupe d’hommes qui ont ce que l’on appelle un but supra-ordonné. C’est le but ultime, celui de libérer des otages au péril de leur vie si nécessaire. Ils possèdent un sens de la mission et une capacité d’engagement sans faille. On ne positionne pas quarante-cinq opérationnels sur des passerelles qui vont se diriger vers un avion qui risque d’exploser à tout moment, sans une condition physique, émotionnelle, mais aussi et surtout mentale, rompue à toute épreuve.

Quels enseignements avez-vous tirés de cette expérience en termes de tactiques de négociation et d’intervention ?

Avant d’intervenir physiquement dans le cadre de la légitime défense, avec les risques que cela comporte, il faut d’abord avoir utilisé d’autres alternatives, la négociation en est une.
Profiler le ou les auteurs afin d’entrer dans leur peau, leur tête et essayer de savoir ce qu’ils risquent de faire ; Tenter de les ramener à la raison, si possible ; Permettre d’optimiser une intervention si cela est encore nécessaire.
Mais tout ceci est encore une fois de la littérature… c’était sans compter mon impossibilité d’entrer régulièrement en contact direct avec l’un des membres du GIA, et devoir passer par un intermédiaire en incapacité de comprendre ce qu’il percevait de la situation, le commandant de bord.
L’ouvrage permet de comprendre et d’intégrer la nécessité de continuer à avancer malgré la présence de cas non conformes qui par essence, sont toujours différents.

Comment voyez-vous l’évolution des techniques de négociation et d’intervention du GIGN depuis cette époque jusqu’à aujourd’hui ?

La compréhension de l’homme est une nécessité, la psychopathologie est donc la base de travail pour pouvoir s’adapter à la personnalité de l’autre, mettre en place une communication qui puisse évoluer en une véritable relation. 
Rapidement la connaissance des théories de la relation interpersonnelle accompagnée de la psychologie sociale permettra de pouvoir organiser une stratégie et d’anticiper sur les réactions de l’interlocuteur.
Après tout, ceci n’a de sens que si le négociateur est un opérationnel de l’unité. Il faut qu’il connaisse parfaitement les outils qu’il a dans sa boîte, c’est-à-dire ce qu’il peut actionner via le commandement de mission si nécessaire. Il lui faut donc un minimum d’ancienneté et être passé par la majorité des spécialités opérationnelles afin d’avoir intégré les problématiques qui les accompagnent et qui limitent leurs marges de manœuvre.
Mais parfois la négociation demeure trop longue, trop contraignante, voire inutile, lorsqu’une intervention de libération est nécessaire sous le coup de l’urgence, lorsque la vie des otages est menacée à très court terme.
Le référentiel NEGOACTION décliné dans l’ouvrage « Négociations extrêmes » illustre parfaitement les items nécessaires à prendre en compte dans la gestion d’une crise de cette importance ; il peut également servir à la gestion de crises plus courantes et que l’on rencontre dans le cadre professionnel ou encore familial.