Relocalisation : pourquoi le prix du paracétamol reste inchangé






22 Novembre 2024

Le 21 novembre 2024, le gouvernement français a pris une décision controversée concernant le paracétamol. Alors qu'une baisse de 10 % de son prix était envisagée, cette mesure a été suspendue dans le cadre d’un moratoire de deux ans. Cette décision, présentée comme un levier stratégique pour encourager la relocalisation de la production pharmaceutique, soulève de nombreuses questions. Quels sont les enjeux économiques et sociaux derrière cette mesure ? Et surtout, quels impacts pour les consommateurs français, grands amateurs de cette molécule ?


Un enjeu stratégique : relocalisation et souveraineté industrielle

Le paracétamol est aujourd’hui au cœur d'une dynamique de reconstitution de la chaîne de production en France. Depuis 2008, le principe actif nécessaire à la fabrication de ce médicament n'était plus produit dans l'Hexagone. Cependant, avec le soutien financier de l’État dans le cadre du plan France 2030, une usine flambant neuve, portée par le spécialiste Seqens, devrait commencer à approvisionner le marché d’ici 2026. Cette relocalisation vise à réduire la dépendance française à l’égard de la Chine et de l’Inde, principaux producteurs mondiaux de principes actifs.
 

En contrepartie du moratoire tarifaire, les laboratoires UPSA et Sanofi se sont engagés à relocaliser deux médicaments stratégiques. UPSA, par exemple, envisage de produire à Agen des molécules complexes comme la prégabaline et la lamotrigine, utilisées pour traiter des pathologies neurologiques graves.


Impact économique : quel coût pour le consommateur ?

Actuellement, une boîte de paracétamol est vendue 76 centimes d’euro en France, un tarif inférieur à celui pratiqué dans d'autres pays européens. Bien que cette stabilité tarifaire semble favorable pour les ménages, elle masque une tension économique. La baisse de prix initialement envisagée visait à réaliser un milliard d’euros d’économies sur les dépenses de médicaments. Cependant, le maintien des prix sert à préserver un équilibre entre coûts de production et compétitivité économique.
 

Pour les usagers, ce moratoire se traduit par une absence d’économies immédiates. Cette stagnation tarifaire pourrait susciter des inquiétudes dans un contexte d’inflation généralisée, où chaque centime économisé compte. Certains commentateurs dénoncent un sacrifice de l’intérêt du consommateur sur l’autel de la souveraineté industrielle.


Une consommation de masse : le paracétamol, un médicament roi

Selon l'Assurance Maladie, le paracétamol est le médicament le plus prescrit en France, avec 330 millions de boîtes délivrées en 2023. Les marques telles que Doliprane (Sanofi) et Dafalgan (UPSA) dominent largement le marché, représentant respectivement 95 % et 55 % de parts de marché domestique. Pourtant, cette consommation massive pose des défis environnementaux et logistiques. Avec 55 % des boîtes de paracétamol produites en France exportées, le pays se trouve dans une position paradoxale : dépendant de l’importation pour son principe actif tout en contribuant activement à l’exportation du produit fini.
 

Le gouvernement justifie cette décision par l'urgence de renforcer la souveraineté industrielle et de garantir l'accès aux médicaments en cas de crise. Toutefois, les critiques s’accumulent. Pourquoi cette exception au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), alors que d'autres médicaments stratégiques subissent des baisses de prix ? Certains observateurs dénoncent une politique de « faveur » envers les industriels. « Ce moratoire est une subvention déguisée, qui profite davantage aux actionnaires qu’aux patients », déclare un analyste économique.