Extrait Pages 81-90 « Insurrections et guerres révolutionnaires en 1958 : expériences et enseignements ».
« Lorsque Trinquier termine la rédaction de Pour vaincre la guérilla et le terrorisme, il se trouve en Algérie, environ un an après la fin de la « bataille d’Alger » (janvier-octobre 1957) à laquelle il a participé. Le manuscrit marque le point final de la rédaction au 20 novembre 1958. À cette date, Trinquier dispose de l’expérience de plusieurs conflits : il a connu la Chine (1938-1945), l’Indochine (1934-1936, 1946 ; 1947-49 ; 1951-54), la Corée (1953), l’Algérie (1956-1960). Toutes ces guerres ont fait une large place à l’irrégularité, et c’est cet aspect qui oriente décisivement la réflexion de notre auteur. Mais au-delà de ce contact direct avec ce qu’il finira par appeler la « guerre moderne », d’autres épisodes, depuis le début du XXe siècle, peuvent avoir nourri sa pensée. Il est donc important de les passer en revue, en distinguant les connaissances actuellement acquises et publiées, de ce qu’on pouvait en savoir au moment où Trinquier a écrit. Seules des études minutieuses sur les informations disponibles en France à propos de chacun de ces conflits – notamment dans la presse et les publications scientifiques et militaires – permettrait d’éviter le risque d’anachronisme qui menace en permanence le chercheur qui tente de faire quelque lumière sur ce point. En outre, comme bon nombre de ces épisodes traitent des pays anglophones aux prises avec des insurrections diverses, la question du niveau de compétence de Trinquier en anglais reste posée, malgré sa mention, comme on l’a vu plus haut, d’un article de la Military Review dans le document de 1958.
Pour nous en tenir seulement au XXe siècle, on peut admettre que Trinquier a eu connaissance, même de façon incomplète et indirecte, de certains épisodes d’insurrection, de guerre révolutionnaire (et/ou subversive), de terreur d’État et d’affrontements irréguliers, incluant parfois le recours au terrorisme.
- En Russie […]
- En Irlande […]
- Durant la Résistance en Europe […]
- En Chine […]
- En Indochine […]
- En Grèce […]
- En Palestine […]
- Aux Philippines […]
- En Malaisie […]
- Au Kenya […]
- A Chypre […]
- En Algérie […]
La liste des insurrections et contre-insurrections que nous venons de présenter, et à laquelle on aurait encore pu ajouter d’autres exemples (l’Inde, l’Amérique latine…) donne une idée de l’univers empirique des cas auxquels Trinquier pouvait se référer au moment de mettre en forme sa réflexion, en 1958. L’ambiguïté même de son titre, qui renvoie à l’idée (fausse) que le combat consisterait à vaincre « la guérilla et le terrorisme », et non pas des ennemis qui recourent à ces techniques – des techniques parmi d’autres – pour mener des guerres dont la nature exacte doit être déterminée, limite sans doute les possibilités d’exploitation des expériences auxquelles il aurait pu avoir accès. Des insurrections peuvent se produire hors du cadre de guerres révolutionnaires et le terrorisme, en tant que technique, est disponible pour des acteurs engagés dans un conflit, quelles qu’en soient les causes et la nature. Mais pour parvenir à ce constat, il faut disposer d’un cadre théorique qui, en 1958, n’était pas encore élaboré, tant en raison des circonstances dans lesquelles Trinquier a rédigé son travail, que de l’état de la recherche et de la réflexion sur le terrorisme dans les institutions militaires et académiques de l’époque. »