L’exploitation du peuple ouïghour sur les terres chinoises ne date pas d’hier, cependant les États-Unis n’ont que récemment condamné cette ignominie. D’après vous quelles sont les ambitions des États-Unis, ont-ils des objectifs économiques et géopolitiques ?
Dans l’excellent ouvrage à lire ou à relire de Zbigniew Brzezinski « le grand échiquier », l’auteur rappelle la place essentielle de l’Asie centrale (Ouzbékistan, Kazakhstan, Kirghizistan Tadjikistan, Turkménistan) dans la politique de puissance américaine pour peser sur le continent eurasiatique. L’Asie centrale est une zone historique d’influence russe et chinoise. Avec la chute de l’Union soviétique et par la suite l’affaiblissement de la Russie, cette zone riche en matière première intéresse énormément Pékin tandis que Washington y voit une opportunité pour se positionner comme une voie alternative et désenclaver ces pays de la mainmise de Moscou.
Il y a un pacque tacite entre Moscou et Pékin sur le partage d’influence de l’Asie centrale. À Moscou l’influence militaire et politique et à Pékin l’influence économique. Ce partage d’influence ne se fait pas sans méfiance réciproque, mais le sentiment antiaméricain les rapproche dans leur volonté exclure Washington de la zone.
Le Xinjiang est à la frontière est de l’Asie centrale dont elle partage l’histoire et la culture. Majoritairement peuplé par le peuple ouïghour, musulman et turcophone, cette population se retrouve aussi dans les pays voisins comme au Kazakhstan, Ouzbékistan ou au Kirghizistan. Le Xinjiang est une région riche en matière première : charbon, gaz naturel et pétrole. Mais c’est aussi le point de départ de 3 des 6 corridors terrestres des nouvelles routes de la soie qui relient l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud. C’est une porte d’entrée vers l’Ouest, et pour la construction des infrastructures liées aux routes commerciales, Pékin a tout intérêt à sécuriser cet espace. Cela fait du Xinjiang une région aux enjeux multiples et un pivot de la stratégie politique et économique de Pékin. Ainsi, tout acteur ayant la volonté de perturber l’expansion des nouvelles routes de la soie peut se servir de l’oppression des minorités ouïghoures pour préparer un contexte social hostile à la présence chinoise et par conséquent rendre ce projet commercial très couteux, voir le compromettre.
En utilisant les Droits de l’homme comme grille de lecture, nous pouvons apercevoir un angle d’acte pour Washington. La situation des Ouïghours peut servir de prétexte pour déstabiliser la région en essayant de fédérer les pays d’Asie centrale, musulman et turcophone, à la cause ouïghoure contre Pékin. Ceci pourrait avoir comme conséquence de perturber, voire de couper, un nœud de passage stratégique des nouvelles routes de la soie.
Il y a un pacque tacite entre Moscou et Pékin sur le partage d’influence de l’Asie centrale. À Moscou l’influence militaire et politique et à Pékin l’influence économique. Ce partage d’influence ne se fait pas sans méfiance réciproque, mais le sentiment antiaméricain les rapproche dans leur volonté exclure Washington de la zone.
Le Xinjiang est à la frontière est de l’Asie centrale dont elle partage l’histoire et la culture. Majoritairement peuplé par le peuple ouïghour, musulman et turcophone, cette population se retrouve aussi dans les pays voisins comme au Kazakhstan, Ouzbékistan ou au Kirghizistan. Le Xinjiang est une région riche en matière première : charbon, gaz naturel et pétrole. Mais c’est aussi le point de départ de 3 des 6 corridors terrestres des nouvelles routes de la soie qui relient l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud. C’est une porte d’entrée vers l’Ouest, et pour la construction des infrastructures liées aux routes commerciales, Pékin a tout intérêt à sécuriser cet espace. Cela fait du Xinjiang une région aux enjeux multiples et un pivot de la stratégie politique et économique de Pékin. Ainsi, tout acteur ayant la volonté de perturber l’expansion des nouvelles routes de la soie peut se servir de l’oppression des minorités ouïghoures pour préparer un contexte social hostile à la présence chinoise et par conséquent rendre ce projet commercial très couteux, voir le compromettre.
En utilisant les Droits de l’homme comme grille de lecture, nous pouvons apercevoir un angle d’acte pour Washington. La situation des Ouïghours peut servir de prétexte pour déstabiliser la région en essayant de fédérer les pays d’Asie centrale, musulman et turcophone, à la cause ouïghoure contre Pékin. Ceci pourrait avoir comme conséquence de perturber, voire de couper, un nœud de passage stratégique des nouvelles routes de la soie.
Les Droits de l’homme comme outil de déstabilisation
Il est indéniable que dans la lutte de puissance que se livrent Pékin et Washington, toutes les opportunités sont exploitées. Les manquements flagrants de la Chine en matière des Droits de l’homme (Tibet, Hong Kong, et Ouïghours) permettent aux États-Unis de mener une guerre de l’information contre Pékin. C’est l’occasion, si ce n’est d’accroitre sa puissance économique par des sanctions, de limiter et ralentir l’influence et la crédibilité de la montée de son nouveau concurrent.
En janvier 2021 le secrétaire d’État de l’administration Trump, Mike Pompeo, utilisa pour la première fois le terme de « génocide et crime contre l’humanité » pour qualifier la politique répressive de Pékin envers la population ouïghoure du Xinjiang. Depuis le parlement britannique, hollandais, canadien, lithuanien et français ont également reconnu officiellement ce génocide.
En décembre 2021, le président Biden interdit les importations de produits qui seraient issus du travail forcé des Ouïghours et menace de poursuites judiciaires les entreprises américaines qui seraient tentées de ne pas respecter les interdictions.
Le président Biden était aussi à l’initiative du boycott des JO de Pékin de 2022. Boycott diplomatique uniquement qui consiste à ne pas envoyer des représentants officiels pendant la cérémonie d’ouverture. Les athlètes participant bien aux compétitions. Ce boycott sera très peu suivi. Uniquement le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, la Lituanie, le Danemark, les Pays-Bas et le Japon y ont participé.
Sur le terrain des Droits de l’homme, les États-Unis sont également actifs dans les instances internationales comme à l’ONU ou le Conseil des Droits de l’homme. En 2019, 22 représentants occidentaux appellent dans une lettre le Conseil des Droits de l’homme à enquêter en Chine sur le sort des Ouïghours. Elle est suivie par une autre lettre de 37 signataires, parmi lesquels l’Algérie, l’Arabie Saoudite, la Russie et le Pakistan, qui eux évaluent positivement la situation des Droits de l’homme dans le Xinjiang. En 2020, 70 nations ont apporté leur support à la position chinoise à Hong-kong et au Xinjiang. Nous y retrouvons de nombreux pays africains dont la Chine est devenue un partenaire commercial incontournable, et qui pourraient eux aussi se retrouver un jour accusés de ne pas respecter les Droits de l’homme. Pékin a su tisser un réseau d’influence au sein de l’ONU pouvant non seulement faire barrage aux initiatives occidentales, mais étant aussi capable de répliquer.
La vocation messianique américaine et sa politique intérieure ne doivent pas être négligées dans le prisme de l’analyse. La destinée manifeste américaine est une matrice de base du logiciel américain qui se donne pour mission de défendre les minorités et les Droits de l’homme dans le monde, même si celle-ci sont à géométrie variable en fonction des intérêts politiques et économiques du moment. Ce qui n’est pas sans poser une contradiction supplémentaire, qui est exploitée par Pékin dans sa rhétorique antiaméricaine. Les violations chinoises des Droits de l’homme étant flagrantes, il était difficile que la première puissance mondiale, qui se veut garante des Droits de l’homme, ne réagisse pas. C’est aussi une question de légitimité et d’assumer son statut de puissance globale.
Il faut également penser à la politique intérieure américaine qui guide souvent sa politique extérieure. Joe Biden doit faire ses preuves sur le dossier chinois et il a certainement un complexe par rapport à son prédécesseur qui « tapait fort ». On peut discuter des résultats de la méthode Trump, mais aux yeux d’une partie des Américains, Trump se battait pour rétablir l’équilibre des puissances avec Pékin. Rappelez-vous que pendant la campagne présidentielle américaine, un des slogans favoris de Trump pour diminuer Biden, était : « si vous voulez que la Chine gagne, votez Biden ». Cela en dit long sur l’importance dans la politique intérieure américaine dans sa politique extérieure avec la Chine. Donc oui, Biden ne ratera pas une occasion, même symbolique, de s’opposer à Xi Jinping, ne serait-ce que pour se montrer ferme aux yeux des Américains, qui plus est sur un sujet ou plutôt un outil de moralisation et d’influence américain que sont devenus les Droits de l’homme et des libertés.
Les États unis, pour des raisons idéologiques, économiques et de puissance ont accentué la pression sur la Chine depuis leur affrontement ouvert sous la présidence Trump. On peut remarquer que Pékin ne cède pas. D’une part elle s’assure un large soutien dans les instances internationales (d’autre ?) part des pays eux-mêmes exposés sur le sujet des Droits de l’homme, et qui craignent d’en faire les frais un jour. Mais aussi parce que Pékin est devenu un partenaire économique majeur pour beaucoup de pays, notamment africains et sud-américains qui ne veulent pas se fâcher avec leur principal partenaire.
Dans la politique intérieure chinoise, il est difficile de savoir ce que pense la population chinoise sur ce qui se passe dans le Xinjiang à cause de la censure et de la peur de parler. Pékin bloque les informations venues de l’étranger avec sa grande muraille numérique et les organes de presses totalement contrôlés par le Parti effectuent le travail de propagande, ce qui rend difficile de connaitre réellement le fond de la pensée des citoyens chinois.
Il est instructif d’observer les contre-attaques de Pékin sur plusieurs fronts. Tout d’abord, avec une guerre de l’information en utilisant la propagande (interne et externe), la censure (interne et dans ses diasporas à étranger) et par la diffusion de contenu. Le narratif remet en cause la légitimité américaine en matière de Droit de l’homme. Ensuite, la redéfinition même des Droits de l’homme au cœur des organisations internationales avec comme nouvelle définition « la sécurité et le développement économique ». On peut y ajouter le noyautage ou tentative de noyautage des instances internationales comme en janvier 2021 lors de l’élection de la présidence du CDH. Enfin, sous couvert économique des nouvelles de la soie, Pékin impose son idéologie et son système de contrôle sur les masses dans les pays partenaires.
Pékin loin de subir la vision occidentale des Droits de l’homme, est en train de contester l’influence américaine sur l’un de ses piliers fondamentaux et qui pourrait même venir déstabiliser son existence propre. C’est plus qu’une guerre économique, mais bien une guerre idéologique qui se déroule et qui fixera les normes dans les décennies à venir.
En janvier 2021 le secrétaire d’État de l’administration Trump, Mike Pompeo, utilisa pour la première fois le terme de « génocide et crime contre l’humanité » pour qualifier la politique répressive de Pékin envers la population ouïghoure du Xinjiang. Depuis le parlement britannique, hollandais, canadien, lithuanien et français ont également reconnu officiellement ce génocide.
En décembre 2021, le président Biden interdit les importations de produits qui seraient issus du travail forcé des Ouïghours et menace de poursuites judiciaires les entreprises américaines qui seraient tentées de ne pas respecter les interdictions.
Le président Biden était aussi à l’initiative du boycott des JO de Pékin de 2022. Boycott diplomatique uniquement qui consiste à ne pas envoyer des représentants officiels pendant la cérémonie d’ouverture. Les athlètes participant bien aux compétitions. Ce boycott sera très peu suivi. Uniquement le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, la Lituanie, le Danemark, les Pays-Bas et le Japon y ont participé.
Sur le terrain des Droits de l’homme, les États-Unis sont également actifs dans les instances internationales comme à l’ONU ou le Conseil des Droits de l’homme. En 2019, 22 représentants occidentaux appellent dans une lettre le Conseil des Droits de l’homme à enquêter en Chine sur le sort des Ouïghours. Elle est suivie par une autre lettre de 37 signataires, parmi lesquels l’Algérie, l’Arabie Saoudite, la Russie et le Pakistan, qui eux évaluent positivement la situation des Droits de l’homme dans le Xinjiang. En 2020, 70 nations ont apporté leur support à la position chinoise à Hong-kong et au Xinjiang. Nous y retrouvons de nombreux pays africains dont la Chine est devenue un partenaire commercial incontournable, et qui pourraient eux aussi se retrouver un jour accusés de ne pas respecter les Droits de l’homme. Pékin a su tisser un réseau d’influence au sein de l’ONU pouvant non seulement faire barrage aux initiatives occidentales, mais étant aussi capable de répliquer.
La vocation messianique américaine et sa politique intérieure ne doivent pas être négligées dans le prisme de l’analyse. La destinée manifeste américaine est une matrice de base du logiciel américain qui se donne pour mission de défendre les minorités et les Droits de l’homme dans le monde, même si celle-ci sont à géométrie variable en fonction des intérêts politiques et économiques du moment. Ce qui n’est pas sans poser une contradiction supplémentaire, qui est exploitée par Pékin dans sa rhétorique antiaméricaine. Les violations chinoises des Droits de l’homme étant flagrantes, il était difficile que la première puissance mondiale, qui se veut garante des Droits de l’homme, ne réagisse pas. C’est aussi une question de légitimité et d’assumer son statut de puissance globale.
Il faut également penser à la politique intérieure américaine qui guide souvent sa politique extérieure. Joe Biden doit faire ses preuves sur le dossier chinois et il a certainement un complexe par rapport à son prédécesseur qui « tapait fort ». On peut discuter des résultats de la méthode Trump, mais aux yeux d’une partie des Américains, Trump se battait pour rétablir l’équilibre des puissances avec Pékin. Rappelez-vous que pendant la campagne présidentielle américaine, un des slogans favoris de Trump pour diminuer Biden, était : « si vous voulez que la Chine gagne, votez Biden ». Cela en dit long sur l’importance dans la politique intérieure américaine dans sa politique extérieure avec la Chine. Donc oui, Biden ne ratera pas une occasion, même symbolique, de s’opposer à Xi Jinping, ne serait-ce que pour se montrer ferme aux yeux des Américains, qui plus est sur un sujet ou plutôt un outil de moralisation et d’influence américain que sont devenus les Droits de l’homme et des libertés.
Les États unis, pour des raisons idéologiques, économiques et de puissance ont accentué la pression sur la Chine depuis leur affrontement ouvert sous la présidence Trump. On peut remarquer que Pékin ne cède pas. D’une part elle s’assure un large soutien dans les instances internationales (d’autre ?) part des pays eux-mêmes exposés sur le sujet des Droits de l’homme, et qui craignent d’en faire les frais un jour. Mais aussi parce que Pékin est devenu un partenaire économique majeur pour beaucoup de pays, notamment africains et sud-américains qui ne veulent pas se fâcher avec leur principal partenaire.
Dans la politique intérieure chinoise, il est difficile de savoir ce que pense la population chinoise sur ce qui se passe dans le Xinjiang à cause de la censure et de la peur de parler. Pékin bloque les informations venues de l’étranger avec sa grande muraille numérique et les organes de presses totalement contrôlés par le Parti effectuent le travail de propagande, ce qui rend difficile de connaitre réellement le fond de la pensée des citoyens chinois.
Il est instructif d’observer les contre-attaques de Pékin sur plusieurs fronts. Tout d’abord, avec une guerre de l’information en utilisant la propagande (interne et externe), la censure (interne et dans ses diasporas à étranger) et par la diffusion de contenu. Le narratif remet en cause la légitimité américaine en matière de Droit de l’homme. Ensuite, la redéfinition même des Droits de l’homme au cœur des organisations internationales avec comme nouvelle définition « la sécurité et le développement économique ». On peut y ajouter le noyautage ou tentative de noyautage des instances internationales comme en janvier 2021 lors de l’élection de la présidence du CDH. Enfin, sous couvert économique des nouvelles de la soie, Pékin impose son idéologie et son système de contrôle sur les masses dans les pays partenaires.
Pékin loin de subir la vision occidentale des Droits de l’homme, est en train de contester l’influence américaine sur l’un de ses piliers fondamentaux et qui pourrait même venir déstabiliser son existence propre. C’est plus qu’une guerre économique, mais bien une guerre idéologique qui se déroule et qui fixera les normes dans les décennies à venir.