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Aung San Suu Kyi, « la Dame » de la démocratie birmane







6 Mars 2013

Emblème de la démocratie dans son pays, Aung San Suu Kyi suit les traces de son père, leader de la révolution birmane contre la colonisation britannique. Elle fabrique son arme contre la répression militaire birmane en 1988 : la Ligue nationale de la démocratie. Aujourd'hui, pourtant confrontée à la dure réalité de la vie, Aung San Suu Kyi est maintes fois critiquée pour son silence sur certaines situations alarmantes en Birmanie.


Aung San Suu Kyi : portrait d'une femme au parcours mouvementé

Aung San Suu Kyi, « la Dame » de la démocratie birmane
Politicienne de souche, Aung San Suu Kyi voue un culte inaltérable au Mahatma Gandhi et au pasteur baptiste Martin Luther King. C'est grâce à la philosophie de ces grandes figures de la liberté qu'elle décide de poursuivre ses études en sciences politiques, en philosophie et en économie à l'université d'Oxford aux États-Unis. Après une carrière académique d'une vingtaine d'années en Amérique, « the Lady » revient sur ses terres natales en 1988, au moment où le général Ne Win, tête pensante de la junte militaire birmane, est déchu du pouvoir. Avec ses compatriotes, Aung San Suu Kyi décide de créer la Ligue nationale pour la démocratie afin de défaire la Birmanie du joug des militaires répressifs. La fille d'Aung San devient la deuxième personne la plus influente du pays après son père, leader de la libération assassiné en 1947. Mais en 1989, suite aux nombreuses manifestations qu'elle organise, Aung San Suu Kyi est arrêtée par le gouvernement militaire en place. Elle est tour à tour assignée à domicile et emprisonnée. Durant ses 21 années de captivité, le « papillon de fer » n'a jamais baissé les bras. Elle organise des meetings et mène son parti politique à la victoire lors des élections législatives générales de 1990, avec 80 % des sièges. Mais le pouvoir en place refuse et annule le résultat des scrutins pour continuer à persécuter les minorités ethniques birmanes et les membres de l'opposition. En 1991, Aung San Suu Ky se voit remettre le Prix Nobel de la paix pour ses actions non violentes contre la dictature militaire.

Aung San Suu Kyi et la Birmanie de 2010

Le samedi 13 novembre 2010, Aung San Suu Kyi est enfin libérée. L'histoire retiendra surtout l'image de cette femme saisie par l'émotion accueillie par plusieurs milliers de ses partisans devant sa maison, sise au 54 University Avenue au cœur de Rangoun. Celle qui a parcouru librement son pays pour la dernière fois en 2003 doit réapprendre à le connaître. La Birmanie est désormais ouverte au monde, au réseau Internet, aux téléphones mobiles et à la haute technologie. Les échéances de ses condamnations sont tombées en effet par étape. Tantôt libre, tantôt arrêtée, Aung San Suu Kyi a passé 15 des 21 dernières années (1989-2010) recluse dans sa maison puis emprisonnée au centre pénitentiaire d'Insein. Elle apprendra surtout que durant son absence, d'autres manifestants ont essayé d'ébranler le pouvoir militaire, mais en vain. La révolution des prêtres bouddhistes Bonzes en 2007 et l'émergence d'une société civile embryonnaire n'ont pas réussi à contrer le pouvoir en place. L'avocat d'Aung San Suu Kyi, questionné maintes fois par la presse internationale sur la suite de l'histoire, maintient que sa cliente reprendra en main son activité politique. Mais la réalité est dure : la Ligue nationale de la démocratie a été dissoute en 2007 suite au boycott des élections législatives de novembre. La Force démocratique nationale remplace la LND, mais ne fait pas le poids face à la dictature du pouvoir. Le parti composé de vieux militants usés s'est vu amputer de plusieurs milliers de partisans aujourd'hui emprisonnés dans les bagnes du pays. Aung San Suu Kyi doit donc tout reconstruire à plus de 65 ans. Elle remet sur pied la Ligue nationale de la démocratie. Cependant, va-t-elle réussir à se faire entendre ?

Une cohabitation difficile

Bien que la junte militaire ait elle aussi été dissoute en 2011, les Birmans gardent les séquelles de plusieurs années de répression et de dictature. La réconciliation nationale tant plébiscitée par Aung San Suu Kyi ne fait pas l'unanimité de la population. Certains estiment que la libération de la « Dame de Rangoon » ne présage aucune évolution démocratique en Birmanie. La répression est toujours d'actualité selon certains observateurs, mais sous d'autres formes encore plus inquiétantes. Aung San Suu Kyi est aujourd'hui accusée d'être du côté de l'ancien régime en acceptant une série de financements lancée par les leaders de l'ex-junte militaire en faveur de son parti politique. Depuis janvier 2013, des personnalités financent « la Dame » birmane. Qui plus est, certains « fournisseurs » sont des hommes d'affaires douteux qui figurent sur la liste rouge des États-Unis et de l'Union européenne. Outre les 185 000 euros reçus début 2013, la Ligue démocratique nationale a vu sa trésorerie augmenter  de 35 000 euros de la part d'AGB Bank, propriété du milliardaire Tay Za, un homme qui aurait été impliqué dans un vaste réseau de trafic de drogue selon les États-Unis. Les sommes colossales offertes par le richissime Kyaw Win viennent s'ajouter à la longue liste. À l’incertitude de la population face à ces financements douteux, Aung San Suu Kyi répond simplement que ces « aides » sont une forme de repentance de la part de l'ancienne junte militaire.