Aux États-Unis, il a fait scandale. Alors qu’il est sorti en France le mois dernier, Mon Holocauste, le roman de l’américaine âgée de soixante-douze ans, Tova Reich, va t-il faire polémique, ou sensation ? Les deux certainement. Dans cette fable familiale ultra fine et drôle, il est question de Maurice et de Norman Messer. Père et fils se vautrent dans ce qu’on appelle le Shoah business, soit, l’exploitation à des fins commerciales, de la Shoah. Maurice est à la tête du Mémorial de l’Holocauste à Washington, qui existe vraiment, et est un des lieux les plus émouvants au monde, avec Yad Washem à Jérusalem. Le fils, Norman, dirige la société Holocaust Connections, Inc. Il attribue ou non, contre argent sonnant et trébuchant, des labels « Holocauste compatible ». L’appellation étant bien sûr, « socialement désirable et commercialement rentable ». Les deux larrons ne vivent que pour la Shoah. Mais leurs motivations, il va sans dire, sont davantage liées à l’appât du gain, qu’au souvenir. Avec leurs combines et leurs mensonges, ils ne cessent de profaner ce dernier.
Dans les faits, Maurice et Norman mettent sur pied, des voyages du souvenir à Auschwitz. Des Américains richissimes sont évidemment prêts à faire le déplacement. Si Maurice a survécu à la Shoah, on ne peut pas en dire autant de son fils : Norman est l’archétype de la « deuxième génération », enfants de déportés, victimes d’ « un Holocauste light », écrit Tova Reich... De quoi faire s’étrangler bien des gens, à juste titre.
Pourtant, elle a choisi l’angle satirique pour traiter un sujet éminemment casse-gueule. Mais son talent est tel, que la pilule, même amère, passe : « Mon Holocauste fait partie des romans sociaux et politiques les plus lucides de ce début de siècle. (...) Sa sortie va à coup sûr créer un raffut de tous les diables, mais si un livre le mérite, c'est bien celui-là. Et pourtant, cet auteur incroyable vise tout sauf la destruction. Elle nous montre la profanation du souvenir de l'Holocauste. Tout ce qu'elle veut, c'est le restaurer », dit de son livre, l’écrivain et essayiste américaine d’origine juive, Cynthia Ozick.
Tova Reich a joué à fond la carte de la satire, dans ce roman furieux et déjanté. Il faut voir et prendre, Mon Holocauste, comme une comédie digne de Mel Brooks. Une immense blague juive que ne renierait pas Philip Roth, même si dans la puissance et le second degré, Tova Reich le surpasse. De loin. Pour se faire, elle a compilé des personnages totalement cyniques et fous. Parmi les donateurs et les profiteurs, on voit ainsi Mickey Fischer, star illuminée de la télévision. En quête de sens, il se rend à Auschwitz pour y trouver « l'énergie universelle de la transcendance ». Rien que ça. Pendant ce temps, Nechama, la fille de Norman, décide de se convertir au catholicisme et d'entrer au carmel d'Auschwitz…
Rien ne va plus chez les Messer. Même l’Holocauste n’est plus sacré. C’est ce qu’a voulu montrer Tova Reich dans ce roman truculent. Elle y dénonce les « professionnels de l'Holocauste ». La Shoah, galvaudée en un sens, est devenue un concept immatériel, un produit. Une vision incroyable pour cette fille de rabbin, à qui l’on doit Mon Holocauste. Et pourtant, elle sait de quoi elle parle : sa famille a été anéantie lors de la Shoah et son père, a vécu à Auschwitz avant la guerre...
Autant dire qu’elle y connaît quelque chose aux « professionnels de l'Holocauste », qui agissent « au nom des six millions de morts». Le livre, comme de bien entendu, a fait scandale à sa sortie aux États-Unis, il y a sept ans, chez Harper Collins. Si le New York Times l’a unanimement condamné, l’écrivain Cynthia Ozick a déclaré en parlant de Mon Holocauste : « C'est un roman devant lequel on devrait tous se mettre à genoux. » Risqué, sauvage, et totalement impertinent, Mon Holocauste, est un livre burlesque, dérangeant, « l'ouvrage impitoyable d'un génie de la satire », comme l'écrit Cynthia Ozick.
Mon Holocauste, Tova Reich, traduit de l'Anglais par Fabrice Pointeau. Le cherche Midi.
The Zone of Interest, Martin Amis, Jonathan Cape. Parution en France en août 2015 chez Calmann-Lévy.
Dans les faits, Maurice et Norman mettent sur pied, des voyages du souvenir à Auschwitz. Des Américains richissimes sont évidemment prêts à faire le déplacement. Si Maurice a survécu à la Shoah, on ne peut pas en dire autant de son fils : Norman est l’archétype de la « deuxième génération », enfants de déportés, victimes d’ « un Holocauste light », écrit Tova Reich... De quoi faire s’étrangler bien des gens, à juste titre.
Pourtant, elle a choisi l’angle satirique pour traiter un sujet éminemment casse-gueule. Mais son talent est tel, que la pilule, même amère, passe : « Mon Holocauste fait partie des romans sociaux et politiques les plus lucides de ce début de siècle. (...) Sa sortie va à coup sûr créer un raffut de tous les diables, mais si un livre le mérite, c'est bien celui-là. Et pourtant, cet auteur incroyable vise tout sauf la destruction. Elle nous montre la profanation du souvenir de l'Holocauste. Tout ce qu'elle veut, c'est le restaurer », dit de son livre, l’écrivain et essayiste américaine d’origine juive, Cynthia Ozick.
Tova Reich a joué à fond la carte de la satire, dans ce roman furieux et déjanté. Il faut voir et prendre, Mon Holocauste, comme une comédie digne de Mel Brooks. Une immense blague juive que ne renierait pas Philip Roth, même si dans la puissance et le second degré, Tova Reich le surpasse. De loin. Pour se faire, elle a compilé des personnages totalement cyniques et fous. Parmi les donateurs et les profiteurs, on voit ainsi Mickey Fischer, star illuminée de la télévision. En quête de sens, il se rend à Auschwitz pour y trouver « l'énergie universelle de la transcendance ». Rien que ça. Pendant ce temps, Nechama, la fille de Norman, décide de se convertir au catholicisme et d'entrer au carmel d'Auschwitz…
Rien ne va plus chez les Messer. Même l’Holocauste n’est plus sacré. C’est ce qu’a voulu montrer Tova Reich dans ce roman truculent. Elle y dénonce les « professionnels de l'Holocauste ». La Shoah, galvaudée en un sens, est devenue un concept immatériel, un produit. Une vision incroyable pour cette fille de rabbin, à qui l’on doit Mon Holocauste. Et pourtant, elle sait de quoi elle parle : sa famille a été anéantie lors de la Shoah et son père, a vécu à Auschwitz avant la guerre...
Autant dire qu’elle y connaît quelque chose aux « professionnels de l'Holocauste », qui agissent « au nom des six millions de morts». Le livre, comme de bien entendu, a fait scandale à sa sortie aux États-Unis, il y a sept ans, chez Harper Collins. Si le New York Times l’a unanimement condamné, l’écrivain Cynthia Ozick a déclaré en parlant de Mon Holocauste : « C'est un roman devant lequel on devrait tous se mettre à genoux. » Risqué, sauvage, et totalement impertinent, Mon Holocauste, est un livre burlesque, dérangeant, « l'ouvrage impitoyable d'un génie de la satire », comme l'écrit Cynthia Ozick.
Mon Holocauste, Tova Reich, traduit de l'Anglais par Fabrice Pointeau. Le cherche Midi.
The Zone of Interest, Martin Amis, Jonathan Cape. Parution en France en août 2015 chez Calmann-Lévy.
Tova Reich