Le sport a besoin des entreprises pour répondre à la médiatisation croissante et aux exigences du « sport business ». Mais la réciproque est aussi valable : pour certaines entreprises, « le sport est devenu un véhicule pertinent pour implanter une stratégie de marque », selon Michel Desbordes (1). Encore aujourd’hui le marketing sportif le plus répandu reste le sponsoring « classique » qui consiste pour une entreprise en un apport financier -en contrepartie d’une exposition médiatique- à un sportif individuel, une équipe, une activité ou lors d'une manifestation. Néanmoins cette pratique n’apparaît pas forcément comme la plus efficace en termes de rapport coût/efficacité. En effet, noyée dans la masse, la visibilité d’une marque risque d’être restreinte ; elle peut par ailleurs se retrouver associée à d'autres avec qui elle ne partage pas nécessairement les mêmes valeurs. En outre, les risques de blessures, de scandales, une météo médiocre ou une ambiance défavorable rendent cette stratégie incertaine voire risquée. Aussi, de plus en plus, les marques qui en ont la possibilité et la volonté, font le choix d’autres approches en marketing sportif, quitte à s’impliquer (financièrement ou matériellement) nettement plus.
Le partenariat
Quand Lacoste décide il y a plus de 40 ans de devenir un des partenaires officiels de Roland Garros, la marque fait le choix d’une véritable stratégie à long terme. Les raisons justifiant cet engagement sont simples à trouver, car le fondateur, René Lacoste, était un champion de tennis. Il y a donc une évidente cohérence entre l'événement et la marque. Ensuite, en prenant le parti d’habiller les joueurs, les arbitres, les juges de ligne ou les sièges d’un tournoi, la marque s’est offert une formidable vitrine médiatique : la compétition n’a cessé de grandir en notoriété et est aujourd’hui diffusée dans des centaines de pays dans le monde entier, réunissant au total des dizaines de millions de téléspectateurs. En termes commerciaux, l’entreprise a su adapter son offre et ses produits pour tirer parti de cette exposition : la ligne mode urbaine sportswear, qui pèsent à elle seule 15% de l’activité, cible précisément le public de Roland-Garros.
Toutefois, ce type de partenariat n’est pas non plus sans inconvénient pour une marque. En effet, il existe une certaine saturation du marché, et les événements sportifs sont limités dans le temps et dans l’espace. En outre, il est de plus en plus fréquent pour une marque d’être victime d’une nouvelle technique de communication : l’ambush marketing. Cette stratégie permet à une marque de créer une confusion dans l’esprit des gens sur l’identité du parrain. A l’instar d’un Usain Bolt qui brandit ses baskets Puma face aux caméras lors des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, alors même que l’équipementier officiel de la compétition était Adidas. La marque Puma est ainsi parvenue a tirer parti à moindre frais de l’exposition médiatique considérable de l’athlétisme olympique, pourtant massivement sponsorisé par une marque concurrente. Aussi, dans une même logique de vision à long terme, et pour éviter ce type d’inconvénients, certaines entreprises peuvent pousser la logique du partenariat plus loin : c’est le naming.
Le naming
Le naming constitue une forme originale de parrainage, de plus en plus répandue, et par laquelle une organisation acquiert le droit de donner son nom ou celui d’une de ses marques à un équipement emblématique ou à un événement dans son intégralité, ce qui assure à la marque une visibilité supplémentaire, fondée non seulement sur l’image (ce qui les spectateurs verront à l’écran) mais aussi sur les comptes-rendus écrits ou radio des compétitions. De nombreuses entreprises ont ainsi accolé directement leur nom à un lieu ou un événement sportif : L’Open GDF Suez, la Heineken Cup, la coupe Louis Vuitton, ou encore l’AccorHotelArena, sont autant d’exemples qui illustrent parfaitement cette nouvelle pratique.
Mais en plus de profiter d’une visibilité totale ou d’associer de façon positive son image, son identité, et ses produits à l’événement, certaines marques s’investissent différemment, en proposant par exemple des services tirés de leur cœur de métier. C’est ainsi que le groupe coopératif Optic 2000 est devenu depuis 2009 partenaire principal du Tour Auto Optic 2000, course mythique réunissant les marques de voitures les plus prestigieuses construites entre 1951 et 1973. Le groupe coopératif, très investi dans l’action citoyenne, accole désormais son nom à l’événement, mais il entend également profiter de l’occasion pour jouer un rôle de prévention et de sensibilisation face à la hausse des troubles visuels. La première chaine d’Optic 2000 de France peut compter à cet effet sur son maillage territorial et ses 1200 magasins pour être présente sur à peu près n’importe quel parcours en France. En cohérence avec son cœur de métier et son action, Optic 2000 propose ainsi des prestations gratuites de vérification visuelle et auditive tout au long du parcours, dans des villages dédiés et à l’aide des opticiens sur le tracé du parcours, sur la thématique de la sécurité routière : simulateur de conduite, dépistage gratuit, activités ludiques pour les enfants… Optic 2000 profite d’un événement destiné de prime abord à la célébration du patrimoine automobile pour faire valoir son rôle de prescripteur de santé sur des sujets aussi important que la vie au volant. Le succès de l’événement, qui se déroule en ce moment, et des activités associées suggère aujourd’hui que l’équation est plutôt positive pour Optic 2000. Mais en marges de ces stratégies de sponsoring, de naming ou de partenariat plus ou moins complet, certaines entreprises, encore rares aujourd’hui, font aussi le choix de créer de A à Z leur propre événement sportif, qu’elles maitriseront de bout en bout.
Les créateurs d’événements
Avec près de 500 événements organisés par an dans le monde, la plus active dans ce domaine est sans nul doute l’entreprise autrichienne Red Bull. Cette stratégie est la suite logique de son positionnement marketing, avec pour cibles principales les sportifs et les jeunes, et de l’adéquation avec son produit, les boissons énergisantes. Volontiers associée à l’image des sports extrêmes et des compétitions improbables, comme les descentes en caisse à savon, Red Bull a poussé la logique suffisamment loin pour que la marque soit désormais presque plus connue que le produit sur lequel elle a construit sa notoriété. Red Bull a réussi de la sorte des coups marketing qui resteront dans les annales, comme le saut de Felix Baumgartner, mais la marque s‘est également aventurée de façon plus surprenante dans l’univers artistique avec la Red Bull Music Academy.
Comme Red Bull, Danone a développé une approche très transversale du marketing sportif, alors même que ses produits ne sont pas en corrélation directe avec la performance mise en avant. D’autant plus que les marques phares du groupe tels qu’Evian, Danette, Bledina, Badoit sont des produits déjà reconnus internationalement. Aussi l’ambition du groupe à travers la promotion et la création d’événements, tant en interne qu’en externe, est plus de développer un marketing dit relationnel en créant une relation de proximité avec les consommateurs. Une des cibles majeures du groupe étant la jeunesse, le PDG de l'époque Franck Riboud (Emmanuel Faber lui a succédé en 2014) a ainsi créé la Danone Nations Cup, un tournoi international de football réservé aux enfants, garçons et filles, âgés de dix à douze ans. Toutes les recettes du tournoi étant reversées à l’Association Européenne contre les Leucodystrophies (ELA), les retombées de l’événement se mesurent ainsi davantage en termes d’image.
Du simple coup marketing à l’investissement plein et entier d’une entreprise et de ses salariés dans les événements, le sport offre donc de multiples opportunités pour les entreprises désireuses de s’investir en dehors du champ strictement économique. Stratégie commerciale, communication, marketing… les entreprises tirent certes toujours un bénéfice de ces pratiques, mais il ne s’agirait pas de minorer le profit qu’en tire aussi la société dans son ensemble : jamais le sport n’a été si présent dans la société et les médias. Et c’est en partie aux entreprises que nous le devons.
(1) DESBORDES, M. et RICHELIEU A., Néo-marketing du sport : regards croisés entre Europe et Amérique du Nord, De Boeck, 2011, Page 44
Le partenariat
Quand Lacoste décide il y a plus de 40 ans de devenir un des partenaires officiels de Roland Garros, la marque fait le choix d’une véritable stratégie à long terme. Les raisons justifiant cet engagement sont simples à trouver, car le fondateur, René Lacoste, était un champion de tennis. Il y a donc une évidente cohérence entre l'événement et la marque. Ensuite, en prenant le parti d’habiller les joueurs, les arbitres, les juges de ligne ou les sièges d’un tournoi, la marque s’est offert une formidable vitrine médiatique : la compétition n’a cessé de grandir en notoriété et est aujourd’hui diffusée dans des centaines de pays dans le monde entier, réunissant au total des dizaines de millions de téléspectateurs. En termes commerciaux, l’entreprise a su adapter son offre et ses produits pour tirer parti de cette exposition : la ligne mode urbaine sportswear, qui pèsent à elle seule 15% de l’activité, cible précisément le public de Roland-Garros.
Toutefois, ce type de partenariat n’est pas non plus sans inconvénient pour une marque. En effet, il existe une certaine saturation du marché, et les événements sportifs sont limités dans le temps et dans l’espace. En outre, il est de plus en plus fréquent pour une marque d’être victime d’une nouvelle technique de communication : l’ambush marketing. Cette stratégie permet à une marque de créer une confusion dans l’esprit des gens sur l’identité du parrain. A l’instar d’un Usain Bolt qui brandit ses baskets Puma face aux caméras lors des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, alors même que l’équipementier officiel de la compétition était Adidas. La marque Puma est ainsi parvenue a tirer parti à moindre frais de l’exposition médiatique considérable de l’athlétisme olympique, pourtant massivement sponsorisé par une marque concurrente. Aussi, dans une même logique de vision à long terme, et pour éviter ce type d’inconvénients, certaines entreprises peuvent pousser la logique du partenariat plus loin : c’est le naming.
Le naming
Le naming constitue une forme originale de parrainage, de plus en plus répandue, et par laquelle une organisation acquiert le droit de donner son nom ou celui d’une de ses marques à un équipement emblématique ou à un événement dans son intégralité, ce qui assure à la marque une visibilité supplémentaire, fondée non seulement sur l’image (ce qui les spectateurs verront à l’écran) mais aussi sur les comptes-rendus écrits ou radio des compétitions. De nombreuses entreprises ont ainsi accolé directement leur nom à un lieu ou un événement sportif : L’Open GDF Suez, la Heineken Cup, la coupe Louis Vuitton, ou encore l’AccorHotelArena, sont autant d’exemples qui illustrent parfaitement cette nouvelle pratique.
Mais en plus de profiter d’une visibilité totale ou d’associer de façon positive son image, son identité, et ses produits à l’événement, certaines marques s’investissent différemment, en proposant par exemple des services tirés de leur cœur de métier. C’est ainsi que le groupe coopératif Optic 2000 est devenu depuis 2009 partenaire principal du Tour Auto Optic 2000, course mythique réunissant les marques de voitures les plus prestigieuses construites entre 1951 et 1973. Le groupe coopératif, très investi dans l’action citoyenne, accole désormais son nom à l’événement, mais il entend également profiter de l’occasion pour jouer un rôle de prévention et de sensibilisation face à la hausse des troubles visuels. La première chaine d’Optic 2000 de France peut compter à cet effet sur son maillage territorial et ses 1200 magasins pour être présente sur à peu près n’importe quel parcours en France. En cohérence avec son cœur de métier et son action, Optic 2000 propose ainsi des prestations gratuites de vérification visuelle et auditive tout au long du parcours, dans des villages dédiés et à l’aide des opticiens sur le tracé du parcours, sur la thématique de la sécurité routière : simulateur de conduite, dépistage gratuit, activités ludiques pour les enfants… Optic 2000 profite d’un événement destiné de prime abord à la célébration du patrimoine automobile pour faire valoir son rôle de prescripteur de santé sur des sujets aussi important que la vie au volant. Le succès de l’événement, qui se déroule en ce moment, et des activités associées suggère aujourd’hui que l’équation est plutôt positive pour Optic 2000. Mais en marges de ces stratégies de sponsoring, de naming ou de partenariat plus ou moins complet, certaines entreprises, encore rares aujourd’hui, font aussi le choix de créer de A à Z leur propre événement sportif, qu’elles maitriseront de bout en bout.
Les créateurs d’événements
Avec près de 500 événements organisés par an dans le monde, la plus active dans ce domaine est sans nul doute l’entreprise autrichienne Red Bull. Cette stratégie est la suite logique de son positionnement marketing, avec pour cibles principales les sportifs et les jeunes, et de l’adéquation avec son produit, les boissons énergisantes. Volontiers associée à l’image des sports extrêmes et des compétitions improbables, comme les descentes en caisse à savon, Red Bull a poussé la logique suffisamment loin pour que la marque soit désormais presque plus connue que le produit sur lequel elle a construit sa notoriété. Red Bull a réussi de la sorte des coups marketing qui resteront dans les annales, comme le saut de Felix Baumgartner, mais la marque s‘est également aventurée de façon plus surprenante dans l’univers artistique avec la Red Bull Music Academy.
Comme Red Bull, Danone a développé une approche très transversale du marketing sportif, alors même que ses produits ne sont pas en corrélation directe avec la performance mise en avant. D’autant plus que les marques phares du groupe tels qu’Evian, Danette, Bledina, Badoit sont des produits déjà reconnus internationalement. Aussi l’ambition du groupe à travers la promotion et la création d’événements, tant en interne qu’en externe, est plus de développer un marketing dit relationnel en créant une relation de proximité avec les consommateurs. Une des cibles majeures du groupe étant la jeunesse, le PDG de l'époque Franck Riboud (Emmanuel Faber lui a succédé en 2014) a ainsi créé la Danone Nations Cup, un tournoi international de football réservé aux enfants, garçons et filles, âgés de dix à douze ans. Toutes les recettes du tournoi étant reversées à l’Association Européenne contre les Leucodystrophies (ELA), les retombées de l’événement se mesurent ainsi davantage en termes d’image.
Du simple coup marketing à l’investissement plein et entier d’une entreprise et de ses salariés dans les événements, le sport offre donc de multiples opportunités pour les entreprises désireuses de s’investir en dehors du champ strictement économique. Stratégie commerciale, communication, marketing… les entreprises tirent certes toujours un bénéfice de ces pratiques, mais il ne s’agirait pas de minorer le profit qu’en tire aussi la société dans son ensemble : jamais le sport n’a été si présent dans la société et les médias. Et c’est en partie aux entreprises que nous le devons.
(1) DESBORDES, M. et RICHELIEU A., Néo-marketing du sport : regards croisés entre Europe et Amérique du Nord, De Boeck, 2011, Page 44